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Julien Nédélec
Nous courons pour rester à la même place
Les arts au mur, Artothèque, Pessac, FR
9 novembre 2016 – 4 février 2017
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Nous courons pour rester à la même place. Il existe plusieurs façons de comprendre ce paradoxe, cette hypothèse de la Reine rouge dans la formulation de Lewis Carroll [1], et de se le réapproprier. S’adapter, œuvrer, usiner, se dépenser toujours avec sérieux, précision, pour au final, rester toujours au même endroit. Hypothèse de travail méthodologique chez certains ou simple constat accablé chez d’autres. Courons-nous pour rester à la même place, comme si les autres allaient plus vite que nous, même sans courir, et qu’il nous fallait faire davantage pour pouvoir rester seulement à la même place ? Ou courons-nous parce que ce qui compte c’est peut-être moins où l’on est que tout ce que l’on a fait pour rester là, toute cette énergie dépensée à se maintenir à la même place (laquelle, on le présume n’est jamais tout à fait la même, comme les fleuves d’Héraclite) ? Peut-être d’ailleurs, au fond, que la vraie question n’est pas là, elle est : où sommes-nous ? Car pour savoir que l’on est au même endroit, il faut déjà savoir où l’on est. Voir, connaître et reconnaître. Peu importe l’énergie déployée.
Sous ce constat, cette injonction, ce programme, peu importe, l’Artothèque de Pessac présente six œuvres de Julien Nédélec, artiste plasticien né en 1982, amateur de paradoxes et de livres, de tentative de « zéro défaut » fait à la main et de poésie contemporaine, de notices techniques, de géographie et des formulations que les aléas permettent. Ces six œuvres sont autant de déclinaisons possibles, probables, imaginables du principe Carrollien. Elles pourraient être à la fois un moyen de courir en restant sur place et la conséquence d’avoir autant couru et d’être sur place. On ne peut subsumer les six œuvres derrière une seule déclinaison possible de la formule de Lewis Carroll, car Julien Nédélec aime multiplier les lectures de son travail, celles prévues, et aussi les autres. Cependant, une chose est sûre il y est question de mesure et de penser celle-ci. D’abord pour ce qu’est la mesure, sa signification et ses limites (Flat earth) ; ensuite ce qui la permet, l’instrument (Jacob, Le temps zéro, Retiens la nuit), avec ses performances et ses archaïsmes. La mesure et l’instrument permettant de savoir, parfois, où l’on est, la distance qui nous sépare, le temps qui nous relie.
Il s’agit aussi de représenter, de faire apparaître l’invisible, ce qui ne peut pas se voir (Missing time), ce que l’on ne pourrait pas voir sans une représentation (Saros). Faisant ainsi apparaître aussi bien l’immense à portée de main que l’inexistant, Julien Nédélec propose une forme de mise en abîme ou d’abstraction totale tout en démontrant que les images, mais aussi leurs représentations sont bien des actes et non pas seulement des objets décoratifs ou des fantasmes [2].
Thomas Giraud
[1] Lewis Carroll – Alice au pays des merveilles – De l’autre coté du miroir
[2] Selon la formule de Georges Didi-Huberman.